L’exposition de Denis Brihat « le paradis dans une fleur sauvage », à l’espace Arthur Batut à Labruguière (Tarn), présente des tirages réalisés par un des plus prolifiques maîtres de l’argentique. Son œuvre, unique en son genre, s’initie au départ (dans les années 1950 et jusqu’en 1968) autour de recherches qui parviennent à hisser le noir et blanc à son plus haut degré de puissance formelle et poétique. La veine, toujours très proche d’une « Nouvelle objectivité » tendance Weston, s’oriente ensuite vers des recherches sur les complexes techniques des virages et du grignotage ( mordançage) qui lui permettent d’obtenir, à partir de ses propres tirages monochromes, des couleurs beaucoup plus naturalistes que celles que permettaient alors les émulsions couleur commercialisées et dont il détestait le rendu. La reconduction d’un travail sur le motif végétal isolé sur un fond neutre aboutit à la création de ce qu’il appelle dès 1960 des « tableaux photographiques ». Bien avant la « forme-tableau » de la fin des années 1980 —concept dû à JF Chevrier —, Denis Brihat et Jean-Pierre Sudre ( grand maître de l’argentique disparu en 1997) avaient conçu et exposé de grands formats destinés aux espaces et institutions artistiques. De cette période qui débute chez eux en 1960, l’exposition proposée par Dominique Blanc ( commissaire) nous montre par exemple un grand tirage (abîmé) mais tellement important du point de vue historique. Les séries consacrées aux oignons virés à l’or ou oxydés, les expérimentations consacrées au rouge des fragiles coquelicots fripés permettent au spectateur de faire l’expérience d’un face à face irremplaçable avec le travail sur la matière du tirage.
Je vois certains spectateurs quitter l’exposition, emportant sous le bras le beau livre d’art consacré à Brihat — édité par Fabienne Pavia au Bec en l’air. Ce double hommage, à la fois mural et éditorial, rendu au photographe, mérite d’être salué et l’on ne remerciera jamais assez Denis Brigat d’avoir consacré sa vie entière à la silencieuse éloquence de la photographie argentique.
Jean Deilhes, professeur d’histoire de l’Art à Toulouse